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Je comprends pourquoi il ne savait pas lire

Je comprends pourquoi il ne savait pas lire

Pendant de nombreuses années malgré tout ce qui se disait, j’ai été l’un des « ardents » défenseurs de la ministre Kandia. Elle ne révolutionnait pas le ministère de l’éducation nationale mais elle faisait le job. La rentrée scolaire avait lieu aux dates indiquées, les dates d’examens étaient respectées et en plus les taux de réussite étaient en hausse. Je le sais parce que depuis de nombreuses années je tiens les statistiques des résultats du Bac et du BEPC (brevet du collège) comme le montre le tableau ci-dessous.
Ceci étant dit, j’espère qu’on ne me traitera pas de détracteur. Les partisans cyberactivistes sont partout et ils ont trop souvent l’injure facile.

Comme vous pouvez le constater la Côte d’Ivoire revient de loin. Mes statistiques peuvent pécher par le fait que je ne sais pas comment ont évolué les examens (matières admises ou retirées, nombre de points ou moyenne de classe, rattrapage, etc.) et quels sont les différents critères qui entrent en ligne de compte dans la détermination des résultats. J’ai donc préféré pour éviter des biais supplémentaires, ne comparer que les résultats de la gouvernance du président ADO, Kandia Camara étant l’unique ministre de l’éducation nationale depuis bientôt 10 ans.

Ceci explique cela

Il y a quelques semaines de cela, je parlais d’un de mes cousins qui fut l’un des trop nombreux élèves laissés sur le bord de la route par l’éducation nationale. Passé entre les mailles du filet, il avait pu atteindre la classe de CE1 sans savoir lire comme je l’avais dit dans cet article. Pour un rappel des faits, le nombre pléthorique d’élèves empêchait son instituteur de se pencher individuellement sur chaque élève. Ses lacunes furent découvertes grâce à la perspicacité de ma mère pendant qu’il était en vacances chez elle. Depuis lors, mon cousin a pu apprendre à lire pour mener une scolarité normale.

Au début, je me disais que mon cousin était une exception mais depuis l’année dernière, les résultats scolaires ont commencé à m’alarmer même si je sais qu’une baisse de résultats d’une année à une autre ne signifie pas qu’il y a péril en la demeure. Comme c’est marqué dans le tableau ci-dessus, la CI avait connu un taux de réussite croissant de 2011 à 2018 mais hélas depuis 2 ans les chiffres sont en baisse. Même si cette année pourrait être justifiée par la crise de la Covid-19 mais pourquoi la grosse baisse de 2019?
Après moultes recherches sur le site de l’éducation nationale, je suis tombé sur un document assez intéressant : Les statistiques scolaires de poche.

J’avais espéré y trouvé les statistiques de l’année 2019 mais malheureusement, ce document présente les résultats de l’année scolaire précédente. Il est mis à disposition en mars de chaque année. Celui de mars 2020 censé présenter les résultats de l’année scolaire 2019 aurait dû en ligne mais certainement à cause de la Covid-19, il n’est pas encore disponible. Il aurait été important de l’avoir avant la rentrée pour faire un bilan des 2 années antérieures et prendre des mesures correctives. Mais il est certainement en préparation et nous l’aurons à la rentrée scolaire, logiquement.
J’insiste sur ce point parce qu’au cours du dernier conseil des ministres, les résultats en baisse aux examens ont reçu les félicitations du gouvernement. La raison évoquée est qu’ils seraient supérieurs à ceux des pays voisins. Pourtant, le Burkina Faso a passé son Bac le 3 août, ils n’ont pas encore les résultats. Pour le Mali c’est prévu mi-septembre 2020; pour la Guinée, c’est le 25 août. Au Togo, c’est le bac s’est achevé le 21 août. Au Bénin, le Bac a eu lieu est le taux de réussite est de 49,7% en 2020 et était de 50,10% en 2019. En France (on ne sait jamais), le taux de réussite a connu un bond +7% passant de 88% à 95%.

je suis donc dubitatif concernant ces félicitations et en plus la baisse de cette année prouve que les mesures prises pour maintenir une continuité pédagogique pendant la crise sanitaire qui avait entraîné la suspension des cours en présentiel à cause du confinement n’a pas porté de fruits. Il faut donc craindre un faible niveau d’acquisition de connaissances pour l’ensemble des élèves ; ce qui pourrait faire baisser d’avantage les résultats scolaires l’année prochaine par un effet boule de neige.

Qu’est-ce que le ministère a prévu pour rattraper ce retard ou pour combler les insuffisances des élèves?

Pour cette question, je donne ma langue au chat. Concernant le niveau des élèves, il est récurrent d’assister à des débats sur les réseaux sociaux pour évaluer les niveaux des élèves et le niveau des examens; les « anciens » estimant que leur époque était la plus dure et que la nouvelle époque pèche par paresse avec son corollaire de mauvaises notes et de baisse du niveau. Je ne pouvais pas trouver une meilleur transition pour aborder un autre point concernant le niveau des élèves.
Un programme d’évaluation appelé PASEC (Programme d’Analyse des Systèmes Éducatifs de la Cofemen, entendez par là la Conférence des Ministres de l’Éducation Nationale et Gouvernements de la Francophonie) a permis l’évaluation de 10 pays francophones d’Afrique.
Appelé PASEC 2014, ce programme a produit un rapport en 2017. Selon ce rapport la CI est classée 8ème sur les 10 pays évalués au sein de l’Afrique Francophone et ses résultats sont nettement en dessous de la moyenne internationale. Les niveaux sont jugés très insuffisants en mathématiques et en lecture (français).
Le rapport révèle par exemple que pour les élèves évalués dans le cadre du PASEC, seulement 33% de ceux ayant obtenu le CEPE ont un niveau de compétence suffisant alors qu’ils sont 79% à avoir obtenu le CEPE. Ce qui voudrait dire que les élèves pourraient être sous-évalués au cours des examens. Cette sous-évaluation irait de paire avec un faible niveau des élèves. Ces scores élevés des élèves à l’examen du CEPE masquent en réalité les difficultés des élèves qui pourraient connaître des difficultés graduelles au cours de leur scolarité secondaire.
Ceci ne justifie-t-il pas en partie les raisons des taux de réussite assez faibles aux examens même s’ils sont globalement croissants? Un examen évalue-t-il des élève en se basant sur la moyenne des connaissances ? Nos examens sont-ils trop élitistes et s’apparentent-ils à des concours? Pour la dernière question question, je ne le crois pas car le rapport PASEC dit surtout le contraire.
Ce rapport date déjà de 6 ans mais le rapport de 2019 qui devait être mis à disposition au 1er trimestre 2020 a connu un retard certainement à cause de la Covid-19. Nous attendons donc sa sortie.

Le problème de l’Education Nationale ne se limite pas juste au niveau des élèves qui lui est plus une conséquence. Depuis 1990 jusqu’en 2011, l’éducation nationale et l’enseignement supérieur ont pâti des crises à répétition de la Côte d’Ivoire.
Une multitude d’éléments concourent à expliquer ces résultats pas très flatteur. L’acquisition de compétences est influencée non seulement par les ressources financières allouées mais également par les ressources humaines qui sont injectées dans le système éducatif mais aussi et surtout par la sélection, puis la formation et la motivation des enseignants, le cadre de travail des élèves (nombre pléthorique, salles de classe non conformes, matériels pédagogiques désuets), la participation des élèves et de leurs familles.

Mais au fait, avant de déposer ma plus et de fermer mon laptop, vous ai-je dit que le budget consacré à l’éducation est le poste le plu élevé dans le budget de Côte d’Ivoire? Il est de 1342 milliards FCFA (2 milliards d’euros). La part réservée à l’éducation préscolaire et enseignement primaire et l’enseignement secondaire général, technique et professionnel est de 1000 milliards. A titre de comparaison, le budget de la santé est de 446 milliards FCFA.

Source :
Rapport de la Banque Mondiale sur le système éducatif de la Côte d’Ivoire

Budget 2020 de l’Etat de Côte d’Ivoire

Comprendre le budget citoyen 2020

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