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La péripatéticienne qui changea mon regard

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La péripatéticienne qui changea mon regard

Péripatéticienne! Derrière ce nom pour le moins intriguant et glamour se cache une activité qui l’est moins. Une péripatéticienne est une demoiselle qui fait commerce de son charme moyennant espèces sonnantes et trébuchantes. En un mot, c’est une prostituée.

Il y a quelques années de cela, mes activités professionnelles m’emmenaient à ne pas compter mes heures de travail. Je rentrais régulièrement au-delà de 22h et parfois après minuit. Il m’est même arrivé à plusieurs reprises pour des urgences, de passer la nuit au bureau… Oui je sais, j’étais jeune et j’étais fou.

Pourtant dans un quartier huppé, l’entreprise dans laquelle je me faisais employer, côtoyait une population particulière. Cette population qui n’apparaissait que lorsque la nuit était tombée. Ces populations nocturnes avaient une particularité, elles étaient constituées en majorité de femmes et c’étaient des péripatéticiennes.

Un soir alors que je sortais de mes bureaux et que je m’apprêtais à arrêter un taxi, je fus hélé par l’une de ces demoiselles. Elle me proposa ses services que je déclinais évidemment. Elle tenta de me toucher mais comme une pestiférée, je reculais brusquement ce qui la choqua.

Puisqu’elle m’avait proposé ses services, je décidais donc de lui proposer ce qui pour moi était le plus important: Donner sa vie à Jésus.
Une fois le choc passé, elle s’était mise de côté et avait commencé à entonner un chant, un chant chrétien.

Membre actif d’une église réveillée, le mot d’ordre était de faire des disciples. Mon bâton de prosélyte en main, j’ai donc décidé de me lancer dans une évangélisation mais d’une bien étrange manière. Suivez le désastre:

– Est-ce que tu penses que c’est normal de chanter ce que tu chantes et faire ce que tu fais?
– Qui êtes-vous pour me juger? vous ne connaissez pas ma vie mais vous vous croyez mieux que moi

Sa réponse m’en boucha un coin. Moi qui pensais qu’elle se repentirait à chaudes larmes et que je pourrais prier pour elle et la conduire dans les bras de notre Seigneur. Que nenni! Elle se braqua et refusait à présent de me répondre.

Après cette bourde et face à un mur, la queue entre les jambes, je pris mon taxi pour rentrer chez moi.

Les retrouvailles

Le lendemain, je repartis au même endroit et elle était fidèle à son poste. Cette fois mon approche fut plus stratégique. Sa langue se délia et elle me raconta comment elle s’était retrouvé dans cette situation après avoir fait un enfant. Pour s’occuper de cet enfant et de sa mère, elle avait essayé le travail d’employée de maison mais avait été abusée sexuellement par un père puis par son fils en l’absence de la maîtresse de maison. Cette scène s’était reproduite ou avait failli se reproduire chez d’autres employeurs. Ayant eu marre de se faire abuser et violenter par les hommes, elle s’était promise de ne plus travailler comme employée de maison. Finalement, une amie lui fit miroiter l’argent qu’il était possible de se faire en un laps de temps très court dans ce business du commerce de charmes.

Son objectif n’était pas de s’éterniser dans ce boulot qu’elle trouvait dangereux et répugnant. Elle voulait mettre de l’argent de côté afin de pouvoir commencer un commerce. A ma question de savoir si elle pouvait me promettre qu’elle allait arrêter « ce boulot », elle était catégorique. Si je peux m’engager à lui remettre l’argent pour son commerce, elle allait arrêter ce boulot hic et nunc. Bien sûr que je n’allais pas m’engager malgré tout l’Amour que je pouvais avoir pour le salut de son âme.

Ce que je résolus de faire quand je le pouvais, c’est acheter des sandwiches et des canettes de soda et les offrir aux filles que je rencontrais à ma sortie du bureau. Elles ne comprenaient pas toute cette générosité sans rien réclamer en retour mais j’avais retenu la leçon.

Dans mon confort, je me prenais pour un saint ange qui à la force de ses biceps ou plutôt de ses neurones avait fait des études puis obtenu un boulot. Pendant trop longtemps, j’avais été adepte de cette méritocratie qui nous fait croire que nous nous construisons seul grâce à notre cerveau et à un travail assidu. Nous occultons que nous sommes des privilégiés même lorsqu’il s’agit d’un petit privilège.

Je ne veux pas mépriser les efforts faits par plusieurs mais il faut pouvoir  les relativiser. La personne qui naît dans une famille dont les parents sont cadres dans la fonction publique ou dans des entreprises, est-elle plus méritante si demain elle a une meilleure réussite dans les études et un boulot enviable qu’une personne dont le père est agent de sécurité et la mère vendeuse au marché?

Un de mes professeurs de psychologie sociale pour désigner cette propension qu’à notre société à maintenir les personnes dans les classes sociales dans lesquelles leurs parents se retrouvaient enfermés avant eux et dans lesquelles leurs enfants risquaient de tomber, parlait de fatalisme socio-culturel. C’est cette reproduction sociale puisque c’est ainsi qu’on la désigne qui faisait que cette péripatéticienne se retrouvait à tirer le diable par la queue bien que vendant ses charmes et moi avec mes airs altiers, je m’érigeais en donneurs de leçons parce que j’avais un meilleur boulot.

La vie est malheureusement ainsi faite mais désormais je mets de côté mes bondieuseries et quand je ne peux pas aider, je passe mon chemin.

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