Un plomb chaud dans la tête
Les rêveries d’un voyageur solitaire
Je regardais mon fil d’actualité sur ce réseau social mondial. Les politiciens étaient encore en train de se donner en spectacle par des attaques à peine voilées. Ah que c’est beau la politique sous les tropiques. Toute cette culture d’injures. Au moins on sentait qu’ils avaient lu Schopenhauer vu qu’ils n’étaient pas à court d’arguments fallacieux, d’attaques personnelles, d’injures, etc.
Pendant que je désespérais seul de ces politiques, une voix plus haute que les autres me sortit de ma semi torpeur.
Il avait un langage comparable à celui des banlieusards ponctué de « Wesh », de « darons », de « bro », de « sur la vie de ma mère » ou « sur le Coran », de « pecho », etc. Et les autres qui avaient la même gouaille étaient tous accoutrés de la même façon: Sneakers, sweat-shirt ou blouson à capuche, jeans et/ou survêtement. Ils devaient faire leurs achats dans les mêmes magasins.
Ce petit groupe de 4 ou 5 adolescents jouaient les caïds dans ce train de banlieue et cela semblait avoir de l’effet. J’étais seul à proximité d’eux et les autres voyageurs avaient pris leur distance, on ne sait jamais.
Mon regard croisa celui qui parlait fort, riait fort avec beaucoup de gestes. Je ne baissai pas le regard parce que contrairement aux autres voyageurs, il ne m’effrayait pas. Il m’amusait au contraire. Il détourna son regard continuant à faire l’intéressant.
J’avais vu de la violence. Une violence gratuite qui ne me faisait plus peur. Celle-ci était juste spirituelle.
Je me rappelais avoir écouté une interview de Kaaris, le rappeur Franco-ivoirien qui disait en substance qu’il avait dû repartir en Côte d’ivoire à un moment de sa vie. Et la énième crise militaire le poussa à fuir la Côte d’Ivoire afin de retourner en France. Après moultes tractations il fut évacué par l’armée française. Cette crise que Kaaris avait fui, je l’avais vécue, affrontée.
Rencontres avec une guerre hideuse
Mais ma rencontre avec les armes avait commencé très tôt, trop tôt. Un soir avec des amis, des individus nous avaient braqué, nous tenant en joue avec un pistolet. Voulant dépouiller mon ami à qui ils réclamaient son téléphone et son argent, l’un d’eux promit de lui mettre « un plomb chaud dans la tête » si mon ami se jouait d’eux. Sur ces entrefaites, il sortit son arme.
Puis les violences se sont succédé : au début de la grave crise ivoirienne, je fus tenu en joue par des militaires nous intimant l’ordre de descendre du taxi dans lesquels nous étions.
Une autre fois, déboulant sur une place où menait un des nombreux couloirs de ce quartier qui se voulait bourgeois, je fus encore tenu en joue par un homme en arme qui pointait une Kalachnikov vers moi. Puis une autre fois par une dizaine d’hommes tous avec des Kalachnikov. A force de les voir de près, j’avais fini par les reconnaître les Kalachnikov. Des faits comme ceux-ci, je pourrai en citer encore et encore.
J’avais fini par être immunisé, habitué à voir des armes de différents calibres pointés sur moi. Je m’étais même payé le luxe d’entendre des nuits durant les détonations d’armes légères, semi lourdes et parfois très lourdes.
Quand je pensais à tout ceci et que je voyais ces jeunes se trémousser en jouant les caïds j’étais amusé. Aucun d’eux ne pouvait imaginer que j’avais vu des corps joncher des rues, des corps se décomposer, puis être calcinés par une population qui voulaient éviter des miasmes délétères. J’avais vu la haine dans des yeux, j’avais vu la peur, j’avais vu la mort et j’avais vu des menaces, j’avais vu la guerre. De quoi pouvais-je encore avoir peur?
Le but ultime, zombifier le peuple
En repensant à mon fil d’actualité sur Facebook et à ces joutes verbales auxquelles s’adonnaient certains politiciens, je me demandais s’ils avaient vécu la même violence que plusieurs avaient vécue. Apparemment non.
La guerre avait fait de moi un zombie face à la violence . Le drame est que je n’étais pas le seul mais je ne voulais plus que d’autres subissent mon sort.
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