Ces méchants Indiens
Spleen dominical
Comme c’est souvent le cas, il n’y avait aucun film intéressant à la télévision ce dimanche soir. Machinalement je zappais en espérant tomber sur un film ou une émission qui me captiverait.
Bernard de La Villardière, le journaliste vedette présentait Enquête Exclusive et il avait décidé cette fois d’aller outre-Atlantique, pour une incursion chez les Américains. Alors qu’il interviewait un homme qui parlait en Anglais, une traduction me fit tiquer. En Anglais l’homme avait dit « Native American » que la voix off avait traduit par Indien. Des Indiens?
Il n’en fallut pas plus pour que j’éteigne la télévision. Pendant que j’allais me coucher je me mis à dialoguer avec moi même comme je le fais très souvent.
– Comment aurais-tu voulu qu’ils traduisent « Native American« ?
– Mais par Américain d’origine ou Autochtone d’Amérique ou simplement par leur véritable nom.
– Tu es sûr que tout le monde aurait compris?
– Là n’est pas la question. On ne cherche pas à ce que tout le monde comprenne mais à dire ce qui est juste, ce qui est correct et si on ne commence pas à les appeler par leur nom personne ne saura jamais leur nom et les gens continueront à parler d’Indiens. C’est un peu comme les hiéroglyphes dont le véritable nom est « Medu Neter« , la parole ou l’écriture des DIEUX mais personne n’utilise ce nom et tout le monde continue à dire hiéroglyphes.
Naissance d’un point de vue extrémiste
Je n’avais pas toujours été si extrémiste. J’avais même grandi en prenant plaisir à regarder les Westerns avec la brave cavalerie dégommant les Indiens. Ces méchants Indiens sauvages qui attaquaient femmes et enfants et prenaient leur scalp. Les cow-boys et la cavalerie étaient mes véritables héros!
Je pense que cela avait contribué à développer mon amour pour les États-Unis. Jusqu’au jour où je lus l’histoire de Christophe Colomb. La vraie histoire pas celle lancinante qu’on finit par apprendre par cœur et qui faisait de ce gredin un héros mais plutôt celle moins glorieuse de cette horde de Conquistadors qui introduisit la maladie, le viol, la mort et l’esclavage chez ce peuple qu’on pensait ne pas avoir d’âme… jusqu’à la controverse de Valladolid qui enfin leur reconnut le statut d’homme égal aux Blancs. Statut qui ne s’appliquait bien sûr pas aux Noirs dont l’esclavage ne fut pas contesté mais au contraire généralisé à partir de cette controverse. Mais là c’est un autre débat. Ne réveillons pas les vieilles rancœurs.
L’histoire du chasseur et du lion
Pour revenir aux autochtones d’Amérique, j’avais compris bien plus tard que leurs réactions étaient normales face à des envahisseurs et que les Westerns que j’avais tant aimés n’avaient pour but que de me faire accepter que leur massacre était légitime. Depuis lors, j’ai une certaine aversion pour ces films qui ont bercé mon enfance et j’ai fini par comprendre et faire mienne la phrase de Chinua Achebe : « tant que les lions n’auront pas leurs propres historiens, l’histoire de la chasse glorifiera toujours le chasseur. » Dont acte.
Je me mis à penser à certains amis africains qui se plaignaient à longueur de journée du traitement de l’information concernant les pays africains sur les chaînes d’actualités en continu occidentales.
J’étais dans mon lit et pour une simple mauvaise traduction j’avais poussé aussi loin la réflexion? C’était dimanche soir, je regardai ma montre. Diantre! 1 heure du matin. J’éteignis la lumière parce qu’il fallait que je dorme… une autre forme d’esclavage recommençait le lendemain.
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