Et pourtant il ne savait pas lire
Vacances ne riment pas avec amusements uniquement. Mais ils ne le savaient pas et l’ont appris à leurs dépens. La permission accordée à leur demande de passer les vacances chez ma mère aurait dû leur mettre la puce à l’oreille mais ils ne l’avaient pas vu venir. En plus elle leur avait demandé de venir avec leurs livres.
Dès le lendemain matin de leur arrivée après avoir pris leur petit-déjeuner, une petite séance de lecture et d’écriture fut improvisée par la maîtresse des lieux.
Le sort le désigna pour passer en première position. Il était en CE1, lire était une formalité pour lui qu’il remplit brillamment. Mais c’était trop parfait. Quelque chose mit la puce à l’oreille de ma mère. Elle se rapprocha du lecteur et lui demanda de relire la partie qu’il venait de lire. Ce qu’il refit avec brio. Ce qu’il disait à haute voix était ce qui était écrit dans le livre mais ma mère n’était pas rassurée. Était-ce l’expérience qui parlait?
Elle s’assied et lui indiqua des phrases précises qu’il devait lire.
Il ne parvenait plus à le faire. Ça pouvait être dû au stress. Elle lui montra des mots. Juste des mots à lire. C’est à ce moment que le voile tomba. Sa lecture était laborieuse, poussive. Comme s’il déchiffrait un papyrus écrit en Medu Neter.
Mon jeune cousin vacancier était en CE1 mais il ne savait pas lire! Nous étions tous béats. Il finit par avouer qu’il ne savait pas lire parce qu’il n’avait pas pu correctement apprendre. Ils étaient beaucoup trop nombreux en classe. Près de 80 enfants pour un seul enseignant. Impossible pour l’enseignant de faire du cas par cas. Les privilégiés étaient ceux qui occupaient les places de devant et les fayots, ceux qui voulaient toujours être dans les bonnes grâces des enseignants et qui répondaient à tout même lorsqu’ils n’étaient pas sollicités. Pour pallier ce problème il avait appris par cœur lorsque les autres élèves lisaient. Pour nous rassurer croyait-il, il avoua ne pas être le seul dans sa classe. Il avait pu passer entre les mailles du filet et cela aurait pu continuer jusqu’en classe de CM s’il n’avait été découvert.
De mon côté je me demandais comment il faisait pendant les compositions. Je fus tiré de mes rêveries par ma mère qui m’appela. On résolut de mettre en place des cours quotidiens de lectures et d’écriture.
Cet enfant n’était que la victime collatérale d’un système qui mettait de côté les canards boiteux. L’éducation nationale n’est-elle pas élitiste et méritocratique?
Les plus aisés paient des établissements dans lesquels leurs bambins encadrés par des enseignants à leurs petits soins auront un avenir radieux et bien tracé. Les autres, la plèbe se contente des classes bondées avec des enseignants mus par autre chose que la vocation et qui enseignent dans des conditions ubuesques. Certains disent qu’il faut un changement mais se mobilisent peu pour que ça change. Ils ont fini par abandonner l’avenir de leurs enfants entre les mains de Dame Fortune. « Un jour ça va aller », la phrase qui est dite lorsqu’ayant perdu tout espoir, on confie son sort et son avenir entre les mains de… Dieu.
Certains diront qu’on chipote trop parce qu’au moins ils vont à l’école et ils n’ont pas tort. Sont-ils obligés de construire plus d’écoles et d’embaucher plus d’enseignants? Non bien sûr puisque ce n’est pas pour cela qu’ils ont été élus.
Ils ont été élus parce que…. en fait je ne m’en souviens plus. En réalité je ne l’ai jamais su. Et une école ou une université, on s’en soucie lorsque ses enfants y vont alors que leurs enfants voguent depuis toujours sans vague à l’âme vers d’autres cieux.
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