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Le savoir du chauffeur ou l’illusion du savoir

Le savoir du chauffeur ou l’illusion du savoir

Connaissez-vous Max Planck?

Physicien, il reçut le prix Nobel de physique en 1918. Il avait entrepris une tournée de conférences en Allemagne peu après avoir obtenu son prix. Tous les soirs, il répétait la même conférence devant des publics de spécialistes et de passionnés de physique sur la science de la mécanique quantique. A force de le suivre et d’assister à ses conférences, son chauffeur personnel, avait fini par connaître le texte de la conférence par cœur. Un jour, il proposa donc à Max Planck d’inverser les rôles: Il allait faire la conférence et Max Planck se tiendrait assis au 1er rang, avec la casquette de chauffeur sur la tête. Internet n’existait pas et tout le monde ne savait pas trop à quoi ressemblait Max Planck. Cette idée amusa Planck qui accepta…Le chauffeur récita son texte avec conviction devant un public de physiciens très calés et il se paya le luxe de répondre à certaines questions.  Néanmoins une question très pointue lui fit presque perdre son latin. Planck fut obligé de lui venir en aide.
Le chauffeur a su que ses connaissances sur la physique était factice. Entendre un discours maintes fois répété ne faisait pas de lui un expert. Il avait une autre compétence en mécanique auto mais la physique sortait de son domaine. A force de regarder les séries policières et les documentaires : Esprit criminel, Les Experts, enquêtes impossibles, etc. on finit par réagir comme ce chauffeur en pensant que nous connaissons tout ce qui concerne les crimes et les procédures policières parce que nous avons regardé plusieurs films. Google et maintenant ChatGPT ne font que renforcer cette « illusion du savoir. »
Il faut avoir été victime de voie de faits, de vol ou accusé puis confronté à la police ou la justice ivoirienne pour se rendre compte que « le droit de garder le silence », « le relevé d’empreintes digitales », « le détecteur de mensonges », « les prélèvements d’ADN » ne correspondent pas à nos réalités et aussi qu’un juge ne s’appelle pas « votre honneur » et qu’il n’y a pas « d’objection à accorder ou à rejeter ».

Une de mes tantines médecins me disait un jour que lorsqu’elle est en consultation et que le patient au lieu de décrire ses symptômes dit le mal dont il croit souffrir, elle lui conseille gentiment d’aller à la pharmacie pour une automédication. Une manière de lui faire comprendre que les connaissances théoriques apprises sur le net ou dans la rue ne font du patient un médecin.

En parcourant les réseaux sociaux, les cas légions d’agression, de meurtres, de morts inexpliquées, font émerger les théories les plus ubuesques (pour ne pas dire farfelues) et les pseudo-enquêteurs nourris à la sève du web et de films américains s’érigent en expert en criminalistique. Je ne sais pas pour vous, mais je fais ce constat presque tous les jours. J’ai aussi envie d’ajouter qu’il arrive à tout le monde de jouer le chauffeur de temps en temps…

Comment éviter de se trouver dans ce comique de situation ? En essayant de connaître les limites de ses propres domaines de compétences et d’adopter une position résolument modeste lorsqu’on sort de ces limites. C’est surtout nécessaire lorsqu’on a des notions limitées en droit civil et pénal, aucune en criminologie et en médecine légale et qu’on risque alors de dire d’énormes bêtises.

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