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Tonton j’ai faim

enfant de la rue

Tonton j’ai faim

Une visite impromptue

– Qui est là?
– Tonton j’ai faim
– Pardon! C’est qui?
Cette réponse m’avait surpris. Je me résolus à ouvrir pour voir qui avait toqué au portail et qui prétendait avoir faim.
Devant moi un petit garçon. Il devait avoir entre 10 et 13 ans. Son physique ingrat certainement dû à sa sous-alimentation rendait encore plus compliqué la détermination de son âge. Il portait un t-shirt qui avait dû être blanc à une certaine époque, époque somme toute lointaine. Il était chaussé de sandales dont la vie ne tenait qu’à un fil sans mauvais jeu de mots.

– On dit quoi petit ?
– Tonton j’ai faim. Je cherche à manger

Je fus surpris aussi bien par la demande que par l’âge de cet enfant.
Pour être honnête je n’étais pas surpris. Ce n’était pas la première fois que je voyais des enfants réclamer à manger.
Habituellement puisque c’est la résidence familiale, c’est ma mère qui les reçoit. Elle a toujours refusé de leur donner de l’argent. Elle préfère leur servir de gros bol de riz accompagné de sauce avec de la viande et du poisson. Il paraît que le poisson contribue à la croissance des enfants.
Il se dit aussi que ces enfants s’achètent des substances stimulantes illicites et délétères pour oublier les lieux glauques dans lesquels ils passent leurs nuits et les actions non avouables qu’ils font parfois sous l’effet de ces drogues et boostés par des grands frères.

Dans le rôle de bon Samaritain, je lui servis une assiette du riz avec une sauce garnie de poissons et de viande qu’il arrosa d’un grand verre d’eau.
En discutant avec ce jeune ou plutôt cet enfant, j’appris qu’il avait été chassé de la maison parce que la Camarde avait repris l’un de ses parents. La faucheuse n’a vraiment que peu de sentiment peu importe l’âge.
Les haillons de cet enfant me brisèrent le cœur. Je bénis le ciel ce jour parce que mes t-shirts que certains trouvaient trop près du corps pourraient m’être utiles. Je lui remis un t-shirt qui lui permit de troquer son ex-t-shirt blanc en lambeaux et aussi des sandales certes trop grandes mais dont l’espérance de vie dépassait ses claquettes déjà bien amorties.

Il en voulait à la vie et avait résolu s’en sortir. Il me parla du cirage qu’il voudrait entreprendre s’il avait les moyens de s’acheter un kit. Je le raccompagnai et lui proposai de revenir le lendemain.
J’avais pris la ferme résolution d’être le bienfaiteur de ce jeune. Celui qui lui mettrai le pied à l’étrier et lui permettrai de s’en sortir. Aussitôt pensé aussitôt réalisé : brosse à chaussures, cirages de qualité. Mon butin en main j’attendis le lendemain ce futur cireur pour lui remettre son cadeau. Pour saluer sa détermination, j’avais résolu de déroger à mon principe en lui offrant un petit billet.

Le jour J et l’heure H arrivèrent. Je trépignais d’impatience en me jetant sur la porte dès que quelqu’un frappait à la porte. On ne sait jamais, il pouvait arriver en avance. Mais avant l’heure, à l’heure et après l’heure, point de jeune garçon.
Il avait dû être empêché pensai-je. Certainement que le lendemain il trouverait le chemin de la maison. Mais ni le lendemain ni les jours suivants, il ne frappa à la porte. Je ne le revis plus jamais. Ça me fit de la peine peut-être parce que je venais de rater l’occasion de rendre service et qu’en plus ce bout d’homme retournerait à sa situation précaire; ou peut-être parce que j’avais acheté inutilement un kit de cirage. Puis je me dis que le bon côté c’est qu’il me permit de renouveler mes cirages.

Où était-il parti? qu’était-il devenu? Avait-il rencontré une âme plus généreuse? Était-il reparti en famille? Où le plus probable, était-il retourné auprès des autres enfants de la rue, ses paires.
Dépité je pris une décision les jours qui suivirent, décision que je continue d’appliquer…

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