Mesdames, mais quelle est donc votre place?
Si vous devez recruter un collaborateur et que le choix vous est donné de le faire, sur qui porterez-vous votre choix?
Vous hésitez? Si vous venez d’une école d’excellence comme l’INP-HB de Côte d’Ivoire, vous allez certainement recruter une personne issue de cette école. Si vous venez d’HEC, de Sciences Po, de Centrale, de l’X, d’Harvard, de MIT, de Stanford, de Cambridge, etc. et que des personnes présentant le même profil que vous se présentent, votre choix se portera sur elles. La raison est toute simple: vous estimez que vous êtes compétents et que votre université vous a formé alors vous déduirez que c’est la même chose pour cette personne. Pourtant vous n’en savez rien. Vous ne faites qu’une projection de votre cas en vous appuyant sur des stéréotypes. Vous comme moi, nous extrapolons des attributs sur la base de stéréotypes, de généralités, et d’antécédents.
Ce sont les mêmes stéréotypes qui habitent les hommes au moment des recrutements. C’est un fait historique et suffisamment documenté, les femmes n’avaient pas le droit de travailler puis elles ont eu l’autorisation de leur époux avant d’être plus tard et jusqu’à présent autonomes. En France, c’est en 1944 qu’elles ont eu le droit de vote et en Côte d’Ivoire c’est en 2012 que la loi leur a reconnu d’être des égales de l’homme. En tandis que les femmes faisaient tout ce périple, les hommes exerçaient leur emploi, créaient des entreprises, embauchaient d’autres hommes et conditionnaient la société en attribuant certains rôles aux femmes: tenir le foyer, s’occuper des enfants, compter sur son mari, accepter que l’homme est le chef de la famille, etc.
Je regardais récemment une émission TV sur Life TV au cours de laquelle un des chroniqueurs disait qu’il était contre des passe-droits faits au femme, ce que j’appelle de la discrimination positive. Pour lui, les femmes doivent mériter leur place aussi bien en entreprise qu’en politique.
J’entends ce qu’il dit mais analyser une situation sans se référer à l’histoire ou au contexte donne parfois des conclusions biaisées.
Mon petit speech du début expliquant le stéréotypage et le biais de projection avait pour but de faire comprendre pourquoi lorsqu’il est donné à un homme de choisir pour un emploi entre un homme et une femme, son choix se portait en priorité et en majorité sur un autre homme. Un homme pense inconsciemment connaître les autres hommes. Il pense pouvoir prévoir son comportement, ses humeurs, sa manière de travailler. Ce qu’il aura plus de mal à faire avec les femmes. En plus, les femmes appartient à un exogroupe (groupe différent de celui des hommes) et les traits caractérisant cet exogroupe en entreprise sont la maternité donc l’indisponibilité des femmes pendant une période de 14 à 16 semaines (entre 3 mois 1/2 et 4 mois). Sans oublier les arrivées en retard et les départs du travail plus tôt à cause de la nouvelle naissance. A cela peuvent s’ajouter la maladie de l’enfant, l’école, etc. En un mot, elle ne travaille presque plus ou très peu et perdrait en productivité. Certaines entreprises poussent l’outrecuidance à mettre fin à des périodes d’essai lorsque la personne nouvellement embauchée se retrouve enceinte. Elle se fera ensuite sermonnée par ses parents et amis en ces termes: « Mais pourquoi tu as fait ça? » comme s’il s’agissait d’un crime de lèse majesté.
La discrimination positive
Je n’en fais pas un secret et je le répète dès que j’ai l’occasion: je suis pour une discrimination positive en faveur des femmes. On devrait mettre en place des mesures incitatives à la création d’entreprises (réduction d’impôts(?)). On devrait en plus imposer des parités ou des quotas aussi bien dans les comités de direction, dans les conseils d’administration, dans les gouvernements, au Parlement, etc.
Cela va contribuer à briser le fameux « plafond de verre« , cette barrière invisible qui empêche les femmes d’accéder aux postes à responsabilité.
Je pense que le moyen à utiliser est la force de la loi. En l’absence de contraintes légales fermes, les stratégies de cooptation entre les hommes continueront à se perpétuer et les hommes refuseront le partage du pouvoir avec les femmes.
Depuis 2003, la Norvège l’a expérimentée avec succès ainsi que le Rwanda en 2005. 15 ans plus tard, au Rwanda les femmes sont 30% dans la fonction publique, 40% au gouvernement, 60% à l’assemblée nationale. Pour mettre en perspective les efforts à fournir en Côte d’Ivoire, les femmes représentent 17% du gouvernement, 11% de l’assemblée nationale, 12% du sénat et 8% des maires.
Mais il y a un hic
Lorsque je recommande d’instaurer une discrimination pour combattre une discrimination, les arguments que je reçois et que j’entends sont : Cela reviendra à traiter les femmes comme inférieures et incapables de s’en sortir par elles-mêmes. Plusieurs pensent qu’au lieu de les aider, cela va contribuer à les dévaloriser et à faire peser sur elles un lourd soupçon que la réussite d’une femme est plus due aux avantages dont lui fait bénéficier son sexe plutôt que ses compétences réelles. Cela véhiculerait l’idée que toutes les femmes qui ont connu le succès ne l’ont pas fait à force de travail, de courage et d’énergie. Elles deviendraient illégitimes car ayant été aidé en devant leur succès à des artifices légaux. Exit le mérite! Il y aurait donc un risque de dévaloriser les nominations de femmes à des postes importants avec en prime cette suspicion sur leurs compétences.
En plus cette mesure pourrait empêcher des hommes compétents d’accéder à des postes de responsabilité qu’ils auraient mérités, et les contraindre de laisser la place à des femmes prises pour leur sexe et non pour leurs compétences.
Malgré tout, je signe et je persiste, la discrimination positive s’impose. Les femmes ont pleinement la capacité de prouver leurs compétences et celles qui ne le feraient pas seraient remplacées. Les pays qui ont donné la possibilité aux femmes de se battre seule sont encore très loin d’une parité femme-homme pour les raisons déjà évoquées. Par contre les pays qui ont poussée des lois contraignantes et/ou incitatives ont des progrès visibles. Leur gouvernement, leur parlement et les entreprises dans lesquelles ces femmes officient sont toutes aussi performantes que des entreprises dirigées par des hommes.
Mais il ne faudrait pas juste s’arrêter à des lois qu’on impose car le problème est plus profond. Ces inégalités sont persistantes au sein de nos sociétés car nos sociétés sont patriarcales et donc inégalitaires. Les changements doivent se situer à plusieurs niveaux : cellules familiales, dans le système éducatif, dans les différentes institutions sociales et religieuses, etc. Une fois toutes ses barrières affaissées, on pourra espérer une meilleure acceptation de la femme à des postes de responsabilité et de direction.
Et ceci n’est ni du féminisme ni de la démagogie.
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