L’Afrique ce gros pays sauvage
Assis dans un bistrot au cœur de Londres, nous discutions. Il vivait à Londres depuis une dizaine d’années et se décrivait comme un artiste. De son Brésil natal il espérait avoir du succès à Londres. Londres la ville de tous les possibles. La proximité avec la période de Noël, c’est sûrement ce qui fit dévier la discussion vers les animaux. Je vous mets directement la traduction de cet échange qui me fit rigoler :
Lui : Tu ne sais pas ce qu’est un deer (je garde volontairement le mot en anglais) ?
Moi : Non je ne connais pas ce mot. Peut-être que je sais quel animal c’est mais je ne sais pas ce que ça signifie.
Lui : Tu devrais certainement savoir ce que c’est parce qu’en Afrique il doit en avoir beaucoup et partout autour de vous. Je parle des animaux qui tirent le traîneau du Père Noël.
J’avais compris alors qu’il parlait de renne mais je n’avais pas compris son allusion ou plutôt j’avais été surpris par son allusion à l’Afrique. Je lui fis comprendre que l’Afrique sauvage avec les animaux déambulant dans les rues c’était juste bon pour les parcs et pour la télévision. Les capitales africaines sont aussi modernes que les capitales européennes avec des gratte-ciels et des rues embouteillées par des voitures de toutes marques allant de Peugeot à Porsche. Il sembla surpris.
Des années qui se suivent et se ressemblent étrangement
Presque 10 ans plus tard, une discussion dans le sud parisien me fit comprendre que les mentalités rétrogrades avaient la peau dure.
Elle : Est-ce que tu peux me trouver un Savannah?
Moi : Un quoi?
Elle : Un Savannah, c’est un croisement entre un chat domestique et un félin sauvage.
Moi : Mais où veux-tu que je te trouve un Savannah? D’abord je ne suis pas amateur d’animaux domestiques et encore moins des chats. Sans vouloir être méprisant je trouve que les chats ne servent à rien. Quitte à avoir un animal, je préfère avoir un chien. Bref. Ce n’est pas la question. Pourquoi et où veux-tu que je trouve un Savannah ?
Elle : Mais en Afrique pardi! Je sais que tu peux en trouver facilement là-bas. Il doit en avoir plein et partout.
Moi : Il faut arrêter d’avoir cette vision caricaturale de l’Afrique. L’Afrique ce n’est pas un gros village où déambulent des animaux sauvages. L’Afrique a son côté rural certes mais aussi son côté ultra moderne avec des immeubles, des quartiers chics et des voitures de luxe.
Ça ne me faisait plus rire. Ce mélange de mépris, d’inculture. Qu’on continue de parler de l’Afrique alors qu’on individualise chaque pays d’Europe. Qu’on continue de ne voir l’Afrique que comme une zone où se mêlent guerre, famine et population sauvage vivant de cueillette avec un morceau de pagne ceint autour des reins.
Les films et l’imaginaire populaire
Des films comme « les dieux sont tombés sur la tête » ont façonné l’imaginaire des Français mais malheureusement 30 ans plus tard les films à succès sont des films comme… « Le crocodile du Botswanga » continuent à dépeindre avec humour une Afrique dirigée d’une main de fer par un « dictateur », une Afrique dominée par la gabegie, et ce film a fait plus d’un million d’entrées en France. Ainsi c’est plus d’un million de personnes qui au sortie de ce film, auront encore une vision caricaturale de l’Afrique.
Mais ont-ils tort si l’actualité occidentale est dominée par les migrants, ces nouveaux « envahisseurs » qui accostent à bord de bateaux de fortune? Ont-ils tort si les télévisions occidentales présentent des migrants qui lorsqu’ils sont interviewés disent fuir leur pays parce que leurs dirigeants sont des dictateurs assoiffés de sang, parce que la guerre et la famille sont leur lot quotidien. Ont-ils tort lorsqu’ils apprennent qu’en Libye il existe au 21ème siècles des marchés d’esclaves noirs?
Si on ne veut plus de cette image caricaturale de l’Afrique, peut-être qu’il serait impérieux que l’autre Afrique se mette en avant elle-même. Et l’Afrique a les moyens de le faire. Le web et les réseaux sociaux peuvent être un de ses moyens en attendant que de grosses productions cinématographiques et des chaines de télévision africaines véhiculent des images plus reluisantes de l’Afrique. Je salue des initiatives comme le blog de voyage Ivonomad. Il devrait en exister beaucoup plus.
« Tant que les lions n’auront pas leur propres historiens, l’histoire de la chasse glorifiera le chasseur » disait Chinua Achebe. Oui je sais que j’ai déjà utilisé cette phrase mais ne dit-on pas que la répétition est…
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