Salope, je te parle !
Rencontre du 3ème type
Les transports en commun sont toujours des lieux de rencontres d’un autre type. Ce jour là j’étais debout. A peine entré dans la rame de ce métro, je vis qu’il y avait suffisamment de places pour se mouvoir mais pas pour s’asseoir.
Tout ce beau monde était silencieux et au milieu de ce silence, une voix plus imposante tonna : « Salope, c’est à toi que je parle. » D’autres insanités étaient sorties de cette bouche que mon cerveau prude filtra. Je ne les entendis pas mais je savais que ces injures continuaient. En plus, je fis le rapide constat que ça devait faire un petit moment qu’une dame assise, la tête baissée se faisait insulter… par un homme. Il ne s’agissait pas d’une dispute de couple parce qu’une seule personne parlait et qu’en plus leurs vêtements dénotaient. La dame, en tenue de ville semblait se rendre à son travail tandis que le monsieur était assez dépareillé et semblait faire la manche. Le puzzle se mit en place assez rapidement. Une rapide induction me permit de comprendre que la dame avait certainement refusé de lui adresser la parole ou avait refusé de lui donner de l’argent. Les invectives avaient fusé suite à cela.
Violence et ignorance quotidiennes dans les transports en commun
Des injures et des prises de bec, ce n’est pas ce qui manque dans les transports en commun mais ce qui était hallucinant ici, c’est que personne ne réagissait. Tous les autres voyageurs détournaient le regard ou s’éloignaient de la scène.
Seule face à son agresseur et pour ne pas se retrouver dans une situation plus indélicate elle baissait la tête. Personne n’avait réagi et personne ne réagirait parce qu’ils avaient peur ou parce qu’ils pensaient qu’un autre réagirait.
Kitty Genovese et l’effet témoin
Je le savais parce que Kitty Genovese avait expérimenté cette situation… 55 ans plus tôt.
On était en 1964 et aux États-Unis. Kitty Genovese, 29 ans rentre du travail. Il est 3 heures du matin. Elle est hélée dans la pénombre par un sinistre individu à la mine patibulaire mais refuse de s’arrêter et accélère les pas. Le monsieur plus athlétique la rattrape. Elle se fait agresser, violer puis poignarder à mort par cet homme… au bas de son immeuble. Malgré ses cris, ses supplications et les bruits de son agression, aucun voisin n’intervient pendant les longues minutes que dure son calvaire avant qu’ils n’appellent la police bien au chaud. Même si l’histoire a été légèrement exagérée, personne n’avait porté aide et secours à la jeune dame ce qui a par la suite lieu donné lieu à des recherches en psychologie sociale. Même si les voisins ont pu joindre la police au téléphone, c’est l’agent de police qui a exagéré la sitution pour disculper la police qui était intervenue tardivement. Malgré cela, ce phénomène fut formalisé et baptisé « effet du témoin« , « effet spectateur » ou « dilution/diffusion de la responsabilité ».
Pour faire simple, il stipule que nous intervenons moins souvent lorsqu’une personne est en situation de danger lorsque nous sommes nombreux; chacun croyant que l’autre prendra la responsabilité de porter secours et finalement plus personne n’intervient.
La dame dans le train était victime de cette dilution de la responsabilité.
Je connaissais l’histoire de Catherine « Kitty » Genovese. Je savais que pour briser cette chaîne, il fallait intervenir.
« Monsieur, arrêtez d’embêter la dame » lui dis-je. Il répondit quelque chose que j’eus beaucoup de mal à déchiffrer.
Puisqu’il semblait ne pas comprendre, je renchéris « Si vous continuez à être discourtois et si vous embêtez la dame, c’est à moi que vous aurez à faire.«
Il maugréa quelque chose et s’en alla.
La dame me remercia et avec elle les autres voyageurs.
Ne fermer pas les yeux, ne laissez rien passer
J’avais eu la chance de savoir. Savoir que dans une telle situation les témoins ne doivent pas se dire que quelqu’un d’autre interviendra. Ce quelqu’un qui doit intervenir c’est celui qui assiste à la scène. La victime doit également savoir qu’elle doit demander l’intervention des témoins en désignant au besoin une personne qui verra la responsabilité peser sur ses épaules. L’effet de groupe fera ensuite intervenir les autres qui se sentiront solidaires.
Maintenant vous savez.
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